Classement Vuillemot : 20 ans déjà !

Nos plus fidèles lecteurs se souviendront certainement qu’en octobre 1983 Jean Vuillemot inventait son classement éponyme en lançant sur Aviasport un plaidoyer « pour un classement des compétiteurs ». Du vaste débat qui s’ensuivit, naquit l’édition 1983 du classement permanent des compétiteurs de vol à voile français, première d’une lignée qui ira en s’étoffant et s’améliorant d’année en année, le cru 2002 étant donc le vingtième du nom.

La recette de base était de comparer les pilotes français les uns aux autres quelles que soient les compétitions auxquelles ils aient pris part, en faisant revenir à 1000 points les résultats finals de chacune d’entre elles, en les saupoudrant d’un zeste de coefficient en fonction de leur importance (la difficulté consistant à faire cohabiter des ingrédients aussi dissemblables que les championnats du monde et le moindre concours amical) et en faisant mijoter longuement le tout à l’aide de la calculette...

Le premier plat servi comptait déjà 443 pilotes emmenés par Marc Schroeder avec 2786,92 points ; le score était alors l’addition des scores des 3 meilleures compétitions des 5 dernières années pour chaque pilote, assaisonnés d’ un coefficient concours forfaitaire (selon le type) et d’ un coefficient d’actualité dégressif (1 pour 1983, 0,8 pour 1982... 0,2 pour 1979).

les 20 premiers leaders du Vuillemot....

1983

Marc Schroeder

1984

Gérard Lherm

1985

Gilles Navas

1986

Gilles Navas

1987

Gilles Navas

1988

Gérard Lherm

1989

Gérard Lherm

1990

Gérard Lherm

1991

Gérard Lherm

1992

Gilbert Gerbaud

1993

Gilbert Gerbaud

1994

Gérard Lherm

1995

Eric Napoléon

1996

Gilles Navas

1997

Frédéric Hoyeau

1998

Gérard Lherm

1999

Julien Henry

2000

Jean-Marc Caillard

2001

Jean-Marc Caillard

2002

Frédéric Hoyeau

En 1986, ce qui n’était qu’une initiative individuelle devint officiellement un classement permanent reconnu par la FFVV. Pour mettre fin aux inévitables querelles au sujet de l’importance relative de tel ou tel concours, et sur une idée du regretté Eric Siaudeau, le coefficient de chaque compétition fut désormais calculé à partir de la valeur des pilotes, à savoir l’addition des points Vuillemot de l’année précédente des 5 premiers pilotes classés. Et le classement se limita aux 3 dernières années (addition du meilleur résultat de chacune des 3 années).

Ayant mené à bien la reconnaissance officielle de son « bébé », tenu à jour son fichier et établi annuellement son classement dix ans durant, Jean Vuillemot passe le témoin en 1992 à votre serviteur... le principe reste le même, mais, l’informatique aidant, quelques raffinements sont introduits :

C’est, à quelques ajustements mineurs près, le système encore en vigueur aujourd’hui.

En 1994 un nouveau pas dans l’acceptation par les instances fédérales est franchi : le Vuillemot devient sélectif pour les championnats de France, d’abord en tant que remplaçant seulement, puis comme titulaire (pour les 120 premiers) ou remplaçant (jusqu’au 180ème). La sélection automatique en Equipe de France d’après le classement, par contre, n’est pas en vigueur, et il n’est pas sûr que ce soit souhaitable dans ce domaine politiquement ultrasensible... mais le Vuillemot est certes devenu un élément d’appréciation incontournable pour le comité de sélection : à quelques exceptions près, ce sont les premiers de la liste qui sont retenus pour les championnats internationaux.

Le palmarès 2002...

Cinq ans après sa première consécration, c’est Frédéric Hoyeau qui mène le classement Vuillemot 2002, vingtième du nom... Il était champion du monde Piwi en 1997, il est champion d’Europe chez les « grands » cette fois-ci en 15 m (990 points x 60%), et conforte sa première place grâce à sa bonne performance à Mafikeng en 2001 (6ème, 947 points x 40%). Soit un total de 972,8 points Vuillemot... bravo Yoyo !

Jean-Marc Caillard dit « Chacha » perd 24,6 points et se fait coiffer au poteau (969,6 points) ; il abandonne la première place qu’il détenait en 2000 et 2001, car s’il garde le bénéfice de sa belle 3ème place à Mafikeng (997 points x 40%) et de son titre de champion d’Europe 2000 (990 points x 20%), il est seulement 8ème à Bekescsaba en 2002 (932 points x 40%). Mais d’autres challenges, ô combien ardus, attendent ce tout frais retraité (de compétition), en tant qu’entraîneur des équipes de France...

Olivier Darroze, champion du monde Piwi 2001 à Lillo (966 points x 40%) et coéquipier de Fred en Hongrie en 2002 (6ème, 963 points x 60%) gagne 6,2 points et une place, accédant ainsi au podium.

Suivent des noms bien connus... Gégé Lherm, champion de France et d’Italie en 2001 ; Didier Hauss champion de France 2002, pour la première fois en 18 m et loin de Vinon... Laurent Aboulin champion du monde 2001 mais un peu en retrait cette année ; Richard Montigny champion de France à double détente en 2002 (classes standard, devant notre tout frais champion d’Europe, et club !) ; les Henry père et fils, celui-là champion de France 15 m cette année et celui-ci champion de France en standard il y a deux ans - attention, le petit-fils va bientôt s’y mettre, il ne va pas en rester beaucoup pour les autres !

Seul nouveau venu dans les 10 premiers, Matthieu Kril, champion de France classe club 2001 et 2ème en 2002, voilà qui promet... Louis Bouderlique, premier moins de 25 ans, est 19ème grâce à sa troisième place en championnat de France senior. Quand à notre éternelle première féminine, Claire Luyat, elle ne marque rien cette année (8ème avec seulement 772 points à Issoudun) et recule de 18 places, 34ème, avec une bonne marge cependant sur ses poursuivantes qui marquent le pas également.

La participation

Après plusieurs années à vario négatif on note un timide sursaut en 2002 avec 473 pilotes (contre 430 en 2000 et 424 en 2001) dont 119 nouveaux ; sur les trois années cumulées 2000 - 2002, cependant, on passe en dessous des 800 (793).

On est loin des 900 - 950 pilotes sur trois ans (550 à 600 par an) du début des années 1990, mais c’est sans doute cohérent avec l’évolution globale du nombre de vélivoles. Sur le graphique ci-contre on peut constater l’évolution de ces 20 dernières années : un fort accroissement dans les années 1980, consécutif au passage à un championnat de France tous les ans (et non plus tous les deux ans), puis un quasi-doublement du nombre de compétitions en 1985 (apparitions des régionaux), des pointes en 1991 et 1995 avant un lent fléchissement jusqu’aujourd’hui.

Au cours de ces mêmes 20 dernières années les compétitions sont pourtant de plus en plus faciles à organiser : qu’on songe que pour les premiers concours entrés dans le Vuillemot, il fallait passer la ligne de départ un par un, avec chronométrage sol et contrôle de la hauteur aux binoculaires... puis est venu le contrôle par photo d’une horloge au sol (à laquelle étaient voués deux ou trois serviteurs pour en tourner les aiguilles géantes chaque minute !)... ensuite le photo-time et la loupe pour décoder le film... en comparaison les enregistreurs GPS d’aujourd’hui, une fois passés les quelques soucis d’adaptation, offrent un confort d’utilisation incontestable ! De même, avec les nouveaux types d’épreuves permis par le GPS, il suffit si la prévision météo est incertaine de donner des secteurs assez vastes pour que chacun puisse adapter ses points de virages aux conditions rencontrées et à ses propres possibilités... finis, en principe, les vaches généralisées le soir... La compétition, c’est maintenant facile, qu’on se le dise !

Du Vuillemot au classement IGC...

Puisque le classement semble donner satisfaction au niveau national, pourquoi ne pas l’appliquer au niveau des championnats du monde ? Dès 1993 l’idée germe dans ma tête et l’ordinateur chauffe : une série de simulations, à base des championnats du monde et d’Europe, sur 3 ans, 6 ans, 10 ans, avec différents coefficients et formules... celle qui paraît la mieux équilibrée est sur 6 ans (il faut tenir compte de la périodicité bisannuelle des championnats FAI), avec un coefficient d’actualité de 60% les deux dernières années, passant à 30% pour les deux années antérieures et à 10% pour les compétitions les plus anciennes.

Le classement international ainsi établi donne satisfaction ; il permet d’affiner la cotation des compétitions françaises quand des membres des équipes nationales étrangères participent... mais il reste à le faire accepter par les instances internationales. Le principe est présenté au congrès de l’OSTIV à Omarama, en 1995, et reçoit un accueil favorable. L’IGC (International Gliding Commission) siégeant à Lausanne, les choses vont lentement... et de nombreuses itérations sont nécessaires pour aboutir à un consensus. Mais en mars 2000 l’assemblée pleinière des délégués approuve la création d’un classement officiel, reprenant la formule du Vuillemot international quelque peu modifiée pour tenir compte des desiderata des maîtres de l’IGC : seront pris en compte non seulement les championnats FAI mais toute autre compétition à participation internationale et respectant certains critères (en pratique, tous les championnats nationaux et les principales classiques : Vinon, Issoudun, Bailleau, Jaca, Le Louroux, Poitiers...). Les deux dernières éditions de chaque commpétitions rentrent en ligne de compte, soit de deux à quatre ans selon la périodicité.

Reste à faire fonctionner une telle usine à gaz (je passe déjà beaucoup de temps, pour le seul classement français, à récolter les résultats en retard, à élucider les problèmes d’homonymie, de différence d’orthographe, d’appartenance à tel ou tel club, etc. ; il n’est pas envisageable de multiplier par 20 ou 30 le nombre de compétitions, avec les problèmes de langue et de structures nationales, sans passer à la vitesse supérieure...). C’ est désormais chose faite grâce à internet et à Keith Nicolson qui vient de mettre en place, sur le site web de la FAI, un système capable d’intégrer automatiquement des résultats, charge aux organisateurs désirant être pris en compte de fournir ceux-ci au bon format, et charge aux pilotes de donner à l’inscription leur numéro IGC qui permettra de les identifier sans risque d’erreur ou de doublon (s’ils n’en ont pas encore ils l’obtiendront auprès de l’administrateur via internet). Le site web, encore quelque peu en rodage, est déjà accessible et - cocorico - c’est Jean-Marc Caillard qui étrenne la place de numéro un mondial au classement IGC... avec Laurent Aboulin, Fred Hoyeau et Julien Henry, 4 français sont dans les 10 premiers !

Et le classement franco-français ? Le principe de rentrer les résultats de compétitions directement via internet devrait pouvoir y être adapté dès 2003. Cela sera rendu d’autant plus facile pour les organisateurs que les principaux logiciels de scoring disposeront sans doute bientôt d’une sortie au format IGC pour les besoins du classement international... Le Vuillemot continuera à exister, bien entendu, mais sera sans doute amené à évoluer à nouveau... toutes les suggestions seront les bienvenues !

Denis Flament

Le mot de l'inventeur...

Le classement en statistiques...

Pour plus d’informations consulter le site web du Vuillemot : http ://classement.vuillemot.free.fr/ , celui de l’IGC : http ://rankings.fai.org/gliding/
ou contacter l’auteur par e-mail : vuillemot@deltafox.net

Paru dans la revue Vol à Voile n° 108 janvier/février 2003